L’actrice bien connue des québécois, Marie-Ève Larivière, vient tout juste de dénoncer les nombreux cas d’harcèlements et d’agressions sexuelle qu’elle a vécu tout au long de sa carrière. Elle espère que son histoire aidera d’autres femmes de partout dans le monde à dénoncer cette situation.

On vous laisse lire son horrible histoire:

«Hésiter longtemps, peur du jugement, peur de perdre, de blesser… Tout a débuté bien avant que je ne sois comédienne, mais commençons à ma sortie du Conservatoire. Jeune et passionnée, je rencontre des agents afin de trouver des contrats et d’avoir de bons conseils. Il y en a un qui aime beaucoup ce que je fais, il croit en moi, à une condition et je le cite : « tu n’es pas assez séductrice, mets plus de maquillage, fais la femme, tu sais si tu veux que ça marche, il faut que tu sois sexy, féminine…charmeuse » Moi au naturel, ce n’étais pas possible. Ça annonçait de bien drôle de couleurs pour la fille qui venait de jouer du Beckett et qui rêvait de cinéma»

 «Récemment, je discutais avec un ami qui me demandait pourquoi j’avais arrêté de faire tel projet sur lequel on jouait ensemble. Je lui expliquai alors ce qui m’était arrivé. Le plus incroyable c’est que je m’étais fait un devoir de taire le nom de l’agresseur. Il l’a deviné rapidement. Ça m’a libérée un peu.»

«Voici quelques-uns de ces événements destructeurs.

Un stationnement sous-terrain par lequel on passe seuls entre deux locations. Un réalisateur qui me saute dessus et me couche sur le « hood » d’un char et se gâte violemment, pas de viol, une agression. J’ai mal physiquement, mal au cœur, mal à l’âme. Tout à coup, il se relève en riant très fort pour me faire croire à un gag. Je ne veux plus travailler.
Un tournage de pub à Toronto, on s’ennuie à l’hôtel qui est situé loin de tout. Un producteur de 25 ans de plus que moi, un père, invite un comédien et moi à discuter dans sa chambre puisque nous venons de passer un souper extraordinaire en sa compagnie. Il est gentil, il a payé le gros bill. L’autre comédien quitte après quelques temps, moi je suis aux toilettes. Je sors, je suis seule avec l’homme. Il m’offre de fumer du pot. Je suis surprise par son offre et me demande comment il a pu avoir ça, il est arrivé en avion avec nous. Je décline. Tout à coup, il tente trop intensément de m’embrasser, je le repousse, il recommence. Je quitte, ce n’est plus une belle soirée.

Je joue au théâtre avec un comédien, il a une quinzaine d’années de plus que moi. Nous avons une belle relation jusqu’à ce qu’il me propose de façon ininterrompu de faire des répétitions privées avec lui. Il prétend qu’il veut que je fasse ma scène nue devant lui, que c’est super bon pour approfondir un personnage. Ça m’aiderait beaucoup selon ses bons conseils. Il prenait le projet très à cœur semble-t-il. Il me met toutefois en garde de me taire. Les gens ne comprendraient pas. Je me suis dit, surtout sa femme et ses deux enfants.

J’en suis à mes premiers tournages, je tourne un projet très couteux pour lequel on me demande une légère nudité alors qu’il n’y en a pas dans la scène et qu’elle est totalement injustifiée. Dans le contexte, je suis certaine à 100/100 que ça ne sera jamais diffusé. Je feins d’aller aux toilettes, suis mal à l’aise. J’appelle l’UDA, boîte vocale. L’autre comédien tente d’appeler son agent car je n’en ai plus. Aucune réponse. Je reviens « allez la grande tout le plateau t’attend, go!» Je me fais dire fortement devant tout le monde : « C’est quoi le problème? » J’ai peur. Je m’exécute avec une grosse envie de brailler ma vie. J’ai l’horrible pensée qui me console à peine et qui m’est pourtant venue : tout d’un coup que ça m’ouvre des portes.

Je tourne avec un comédien qui pense qu’entre les scènes il a le droit de me « zigner » ou de me lancer en katimini les pires vulgarités dans le décompte 5-4-3-2… Son insistance aura duré au moins douze heures. Je me fais une carapace car il ne comprend pas mes messages. Il faut pas que ça paraisse à l’écran que je me dis. Yé, j’ai réussi! (Le preneur de son a dû passer une belle journée lui aussi.)
Je croise quelques fois ce comédien qui a voulu me violer à 1 minute de marche de ma porte d’entrée. Sauvée par mon ex. Quand je vois sa face, mon cœur se glace, je dois faire un effort pour de ne pas m’évader. Son regard est vide. Je le soutiens tout de même.
Ah oui et il y a quelqu’un qui m’aide à retracer les déboulonnés qui m’envoient régulièrement leurs dick pic.»
Photo: Marie-Ève Larivière